La 5G des perspectives encore à maitriser

28/10/2023 | Numérique IA Télécoms

Philippe Picard

Philippe Picard

Ingénieur

Ingénieur en télécom. Situations principalement opérationnelles à France Télécom, puis chez Bull (contribution au démarrage des transmissions de données dont le réseau Transpac, pilotage chez Bull de la stratégie de développement des produits de réseaux informatiques). Expériences internationales multiples (travaux de normalisation, programmes transversaux Honeywell Bull). A vécu en 1982/1984 les difficultés de la mise en place de la politique industrielle de l’époque avec la filière électronique.

Autre rédacteur et contributeur: Rémi Thomas (Ingénieur)

L'essentiel

La téléphonie mobile cellulaire, démarrée en Europe en 1992 avec le GSM (la 2G) a permis de populariser rapidement l’usage de la téléphonie mobile. C’est l’UMTS (la 3G) lancé vers 2004 qui a apporté l’Internet mobile en déclenchant l’invention du smartphone. La 4G (LTE) démarrée en 2013 a confirmé cette évolution en permettant la diffusion de vidéos avec des performances comparables à celles des réseaux fixes.

Le lancement de la 5G annoncé pour la France en 2018 et effectif en 2020, a été accompagné de la célèbre diatribe « le porno dans l’ascenseur » des écologistes vs « le retour aux Amish » d’Emmanuel Macron. La 5G est maintenant sortie de la une des actualités technologiques et les 4 opérateurs (Bouygues, Free, Orange, SFR) en étendent aujourd’hui le déploiement.

La 5G est un facteur important de l’évolution du paysage numérique. Cependant elle ne semble pas apporter une révolution aussi importante que furent la 2G ou la 3G avec l’initialisation de l’internet mobile et l’effet induit du smartphone. Sa visibilité médiatique est occultée par la phase spectaculaire de l’IA.

La 5G propose à la fois une continuation des services de la 4G avec amélioration de performances et une rupture aussi bien par ses nouveaux usages potentiels que par les technologies de réalisation.

Du point de vue technique, les ruptures importantes portent sur la virtualisation logicielle, l’usage du Cloud et de l’« Edge Computing», les antennes adaptatives dites intelligentes et les outils d’IA pour l’exploitation. Chaque catégorie d’usage utilise sa propre plage de fréquences : le prolongement de la 4G utilise des fréquences dans la bande des 3,6 GHz, l’IoT utilisera une plage à plus basses fréquences (0,7 GHz), les applications à très haut débit seront ultérieurement dans une bande de fréquences très élevées (26 GHz) avec des propriétés non totalement évaluées.

La 5G veut s’adresser à plusieurs catégories de marchés :

  • Le prolongement de la 4G actuelle (internet mobile haut débit) avec amélioration des performances d’usage (en débit, en latence et en résilience) et pour les opérateurs, meilleure efficacité spectrale et énergétique et souplesse de gestion
  • Les applications de diffusion massive pour l’IOT (internet des objets)
  • Et surtout le marché des applications professionnelles (réseaux locaux industriels, industrie dite 4.0, transports et logistique, etc.). La virtualisation logicielle permettra en particulier par le « slicing » la création de réseaux privés virtuels

Du point de vue de la souveraineté industrielle, plusieurs points de vue :

  • Le service 5G en France est fourni par 4 opérateurs qui sont français, contrairement à la plupart des services technologiques d’Internet, notamment le Cloud
  • Les équipements d’infrastructure de réseau sont d’origine européenne (Nokia et son département français ex Alcatel et Ericsson) après le bannissement de Huawei et avec une forte dépendance aux composants US (Qualcomm). Les terminaux sont essentiellement d’origine américano-asiatique (Apple, Google-Samsung)
  • Un effort important, encouragé par l’état sera nécessaire pour développer les applications de l’industrie dite 4.0. et les autres usages sectoriels

Le bilan écologique du développement de la 5G est encore incertain : les progrès de la technologie utilisée (architecture logicielle, antennes « intelligentes) laissent espérer une meilleure efficacité énergétique qui ne permettra pas nécessairement de compenser la croissance du trafic induit par les nouveaux usages.

La 6G est déjà en cours d’étude par les instituts de recherche, les instances de normalisation spécialisées comme le 3GPP. C’est le moment de s’interroger sur l’intérêt collectif d’une telle démarche. Les industriels (infrastructure et terminaux) sont évidemment moteurs devant la perspective de la saturation des marchés de la 5G à la fin de la décennie. Les opérateurs en place tels qu’Orange sont très circonspects vis-à-vis de la 6G : le déploiement de la 5G n’est pas terminé et demande des investissements importants avec un marché très concurrentiel.

Philippe Picard

La 5G des perspectives encore à maitriser

Temps de lecture : 13 minutes

La 5G qui a été lancée en France en 2020 a été l’objet de plusieurs controverses, avec des considérations écologiques ou de modèle de société. De façon caricaturale, Éric Piolle a proclamé que « La 5G servira à regarder du porno dans l’ascenseur en HD ». En réponse, Emmanuel Macron s’est moqué de ceux qui préconisent « le modèle Amish » et le « retour à la lampe à huile ». La réalité est que la 5G est un phénomène mondial et la que la France a peu d’influence sur son développement. Les grandes questions sur la 5G n’en subsistent pas moins.

Les grandes questions

  • Quelles est la véritable utilité de la 5G ? Est-elle le produit d’une machine folle de l’écosystème numérique impossible à arrêter ? Ou au contraire, la 5G est-elle un maillon indispensable pour de nouvelles révolutions économiques à l’instar par exemple de l’IA ?
  • Quel sera le bilan énergétique et écologique global de la 5G en prenant en compte la totalité du cycle de vie des éléments du système : fabrication, exploitation, fin de vie et démantèlement ?
  • Impact sanitaire de la 5G, notamment des usages dans la future bande des 26 GHz ?
  • Comment se situe la souveraineté de l’Europe (dont la France) vis-à-vis des divers facteurs économiques de la 5G (services télécom, industrie) ?
  • Quels sont les grandes familles d’intérêts en jeu : opérateurs télécom, fabricants des infrastructures de réseau et de terminaux, normalisateurs, grandes entreprises, GAFAM, etc. ?
  • Quel peut et doit être le rôle de l’Etat vis-à-vis de la 5G ?
  • Malgré quelques polémiques, la 5G est maintenant une réalité mais, la 6G se profile déjà à l’horizon et c’est le moment de s’interroger sur quelques questions fondamentales de modèle de société : consumérisme acharné et incontrôlé ou nécessité d’une sobriété raisonnable.

Pour comprendre la 5G en très bref

Les réseaux mobiles cellulaires : une évolution rapide depuis 40 ans

Les réseaux mobiles cellulaires ont connu depuis leur début, au seuil des années 1980, une évolution rapide avec une nouvelle génération presque tous les 10 ans.

1G : (AMPS) le premier service de téléphonie mobile cellulaire fut ouvert en 1980 aux USA par A.T.T.

2G : (ou GSM), démarré en France en 1992, fut une conception européenne, apportant de nombreuses innovations (système entièrement numérique, permettant les SMS puis les balbutiements d’internet mobile, accords permettant l’itinérance internationale, sécurité par carte à micro-processeur).

3G : (ou UMTS) démarré vers 2004, a déclenché par ses performances en débit IP la révolution de l’internet mobile, entraîné le développement des smartphones et par conséquent l’explosion des usages associés (ubérisation, réseaux sociaux, etc.).

4G : (ou LTE) démarré vers 2013, sans être révolutionnaire, a largement amélioré les performances de l’internet mobile et permis l’explosion des usages : vidéos de bonne qualité en streaming, appels vidéo, etc.

La 5G

La 5G ambitionne d’apporter une révolution comparable à celles déclenchées en leur temps par le GSM puis l’UMTS, à la fois par les nouveautés technologiques mises en œuvre et surtout par les nouveaux usages induits.

Ses principales caractéristiques :

  • Sorte de couteau suisse, la 5G s’adresse à plusieurs catégories d’usages :
    • Le prolongement de la 4G avec des améliorations de performances (débit, latence, efficacité spectrale, sobriété énergétique)
    • Les usages à diffusion massive et à faible consommation énergétique pour les applications de l’IoT, (Internet des objets)
    • Les applications à très haut débit (créneau des réseaux locaux industriels et logistiques) prévue majoritairement dans une nouvelle bande de fréquences (le 26 GHz) dont toutes les conséquences techniques et sanitaires n’ont pas encore été évaluées.
  • Chaque catégorie d’usage utilise sa propre plage de fréquences : le prolongement de la 4G utilise des fréquences dans la bande des 3,6 GHz, l’IoT utilisera une plage à plus basses fréquences (0,7 GHz), les applications à très haut débit seront dans une bande de fréquences très élevées (26 GHz).
  • La technologie de la 5G inclut beaucoup d’innovations de réalisation : virtualisation logicielle, « cloudification et edge computing », outils d’IA pour l’exploitation des réseaux (déjà présente en 4G), antennes adaptatives dites intelligentes, etc.
  • La 5G est une technologie qui n’est pas destinée à être seulement exploitée par les opérateurs de télécom, mais pourra être utilisée par les grandes industries et organisations pour des réseaux privatifs virtuels grâce notamment au « slicing » pour constituer les réseaux professionnels radio (PMR).

On notera que des extensions de la 5G sont en cours de développement pour permettre, dans les territoires isolés, l’accès aux services par satellite en basse orbite.

Quelques données économiques de la 5G

La 5G représente des efforts économiques significatifs mais d’un ordre de grandeur inférieur à par exemple à ceux nécessaires pour le système électrique ou de la transition énergétique Quelques chiffres selon des estimations du ministère des Finances (on remarquera l’importance des investissements applicatifs).

Estimation des dépenses cumulées liées à la 5G pour la période 2020-2027 (en €Mds) :

Les forces en présence et leurs motivations

L’Etat

La préparation du GSM s’était faite dans les années 1980 à l’époque finissante en France du « Colbertisme High Tech ». Le rôle de l’opérateur français de l’époque (la Direction Générale des Télécom) a été majeur.

Le contexte d’aujourd’hui avec la 5G n’a plus rien à voir. L’Etat n’est plus opérateur de télécom (il n’a conservé que 23% du capital d’Orange), le secteur des télécom en France a été libéralisé par étapes à partir de 1987 et est devenu totalement concurrentiel ; depuis 2009 la France compte 4 opérateurs de mobiles (peut-être trop nombreux par comparaison avec d’autres pays ?). Seul Orange dispose encore de moyens de R&D notables lui permettant de contribuer aux travaux de normalisation.

Contrairement aux secteurs électrique ou ferroviaire, les financements d’infrastructures ne sont donc plus à la charge de l’Etat qui intervient seulement aujourd’hui avec divers outils réglementaires ou incitatifs :

  • L’ARCEP gère la réglementation générale des télécom, organise des enchères et définit les règles pour l’attribution des autorisations d’utilisation des fréquences (avec l’assistance technique de l’Agence nationale des fréquences l’ANFR)
  • Le budget de l’Etat est abondé par la vente des autorisations d’utilisation des fréquences (€2,8 Mds en 2020)
  • La Direction générale des Entreprises (DGE) avec la Direction Générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) sous l’égide du Secrétariat Général pour l’Investissement (SGPI) animent un ensemble d’actions et de financements pour encourager l’utilisation de la 5G (€ 750 millions d’ici 2025)
  • Les services de l’Etat sont déjà utilisateurs de la 4G dans de nombreux domaines régaliens et exploiteront certainement les performances de la 5G. Les réseaux de sécurité actuels (police, sécurité civile, etc..) utilisent depuis les années 1990 une technologie spécifique « TETRAPOL » avec des réseaux séparés. Le développement de RRF (réseau radio du futur) basé sur la technologie 4G/5G est en cours après une décision prise fin 2022 (voir https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques/lancement-du-projet-reseau-radio-du-futur-rrf-reseau-tres-haut-debit)

L’écosystème et « lobby » des mobiles

Le développement du GSM avait été piloté par les opérateurs de télécom et les institutions télécom spécialisées (ETSI, UIT).

Les travaux de normalisation des télécom mobiles sont canalisés depuis la 3G par le 3GPP (3rd Generation Partnership Project) qui fédère au niveau mondial les divers acteurs concernés par les réseaux mobiles (opérateurs de télécom, industriels d’infrastructures, de terminaux et de composants, institutions de normalisation, grands utilisateurs).

Les opérateurs de télécom (TELCO’s)

Bien entendu, les TELCO’s sont très impliqués puisque opérateurs, mais ne sont plus les seuls moteurs de l’innovation comme à l’époque du bon vieux temps du GSM. Deux familles d’avantages pour eux :

  • En prolongement de la 4G, augmentation de la capacité dans les zones denses saturées, meilleures performances énergétiques, outils d’exploitation, etc.
  • Accès à de nouveaux marchés potentiels (IoT et applications industrielles et nombreux autres usages à développer).

La 5G implique des investissements importants pour les opérateurs (« achats » des fréquences, nouvelle infrastructure réseau, etc.). L’importance des investissements nécessaires pour le déploiement des réseaux 5G a conduit les opérateurs de télécom à souhaiter normaliser les interfaces entre les divers composants du RAN (réseau radio d’accès) à la 5G avec l’initiative Open Ran. Cela leur permettrait une mise en concurrence pour l’achat des divers composants de réseau sans dépendre d’un seul fournisseur.

D’autre part la technologie 5G pourra être exploitée par d’autres organisations que les opérateurs de télécom (au prix d’achats de fréquences). C’est par exemple ce qui avait été le cas avec le GSM-Rail (technologie GSM adaptée pour compagnies de chemin de fer) mise en oeuvre plus de 15 ans après le début du GSM.

Les industriels fournisseurs : moteur de croissance et souveraineté

Les industriels semblent maintenant être les plus motivés pour imposer le rythme des innovations (infrastructures : NokiGa, Ericsson, terminaux Samsung (et Google) et Apple, composants spécifiques comme Qualcomm, etc.). Par exemple, le marché des smartphones fléchit et il est jugé urgent par ces industriels de trouver une nouvelle croissance, quitte à provoquer l’obsolescence programmée et à accélérer le renouvellement des terminaux.

Souveraineté industrielle

On peut considérer qu’avec la 5G, le verre européen de la souveraineté est presque à moitié plein mais pas plus. La 5G est le seul domaine du numérique non dominé par les USA.

Le GSM, de conception européenne, avait donné naissance à des champions mondiaux :

  • pour les infrastructures réseau Ericsson, Nokia dans une certaine mesure, et Alcatel, dans une certaine mesure et dans un premier temps,
  • Nokia pour les terminaux,
  • Gemplus pour les cartes SIM.

Aujourd’hui les champions mondiaux et détenteurs de brevets, sont :

  • pour les infrastructures réseau Nokia (qui avait absorbé et Alcatel-Lucent) et Ericsson, ainsi que les chinois ZTE et Huawei dont les infrastructures mobiles sont partiellement bannies du monde occidental,
  • et pour les smartphones, Apple et Samsung.

Il faut aussi souligner l’influence au 3GPP de Qualcomm, en pointe sur les composants spécifiques des terminaux mobiles et en particulier promoteur de la technologie Sidelink (méthode de communication directe entre appareils sans fil à proximité, en contournant les réseaux des opérateurs).

Les grands agents économiques utilisateurs

En plus de l’augmentation des capacités de réseau dans les zones denses, les avantages majeurs attendus pour la 5G sont dans les usages professionnels. On cite en particulier l’industrie 4.0, les réseaux d’infrastructure (énergie, fluides, etc.), les grandes plateformes logistiques (ports, aéroports, etc.), les transports et les premiers niveaux des véhicules autonomes, la télémédecine, les « villes intelligentes », etc.

La 5G est présentée comme une des technologies critiques ouvrant la porte à un éventail très large d’usages nouveaux. Au-delà d’une créativité potentielle sans limite, la décantation des nouveaux usages se fera progressivement selon de multiples contraintes (montant des investissements et viabilité économique, délai de mise en oeuvre, sécurité et éthique). Comme déjà mentionné, l’Etat a prévu des financements pour encourager le développement des applications sectorielles rendues possibles par la 5G.

Deux références éclairent l’action du gouvernement concernant la 5G :

Considérations politiques

Le grand public citoyen

Pour l’utilisateur ordinaire, les avantages relatifs de la 5G par rapport à la 4G sont essentiellement le meilleur écoulement de trafic dans les zones denses ou les espaces évènementiels, le débit important pour les téléchargements, etc. Il est encore trop tôt pour identifier une éventuelle « killer application » comme l’a été le smartphone, dans une certaine mesure avec la 3G puis beaucoup plus nettement avec la 4G. Aujourd’hui, la motivation pour passer à la 5G est encore faible sauf pour les « geeks » et autres « gamers » qui exploiteront les gains en performance tels que la latence (temps de réponse) ou le débit. La 5G aura un effet certain sur l’obsolescence programmée et le renouvellement plus ou moins forcé du parc des terminaux ; néanmoins les réseaux 4G étant toujours là, on peut choisir de ne pas acquérir des terminaux 5G.

L’écologie

La 5G coexistera avec la 4G mais les réseaux 2G et 3G seront progressivement démontées avec l’impact sur le parc résiduel des téléphones GSM et UMTS qui devront être renouvelés.
Le bilan environnemental devra être fait sur l’ensemble du cycle de vie de la 5G (fabrication et installation des équipements, exploitation, démantèlement et gestion des déchets, notamment des terminaux).
Principaux considérants environnementaux[1] :

En faveur de la 5G :

  • La technologie et l’architecture de la 5G (les antennes intelligentes, l’edge computing) permettent d’espérer des progrès énergétiques par rapport à la 4G.
  • La 5G pourra être un facteur d’amélioration de la gestion écologique de nombreux processus environnementaux

Contre la 5G :

  • On peut craindre l’effet rebond de la 5G, encourageant les usages très consommateurs (jeux, streaming haute qualité, etc..) et surtout l’augmentation importante des objets connectés (IOT).
  • Conséquence de l’augmentation des usages et du trafic, la 5G augmentera le nombre d’antennes, notamment en zones denses, ainsi qu’avec le développement de l’IoT.
  • À partir de 2025, les réseaux 2G et 3G vont peu à peu être supprimés. De quoi provoquer un énorme gaspillage, de nombreux équipements étant concernés : téléphones, voitures et même les ascenseurs : la 5G accélèrera l’obsolescence des postes mobiles 2G et 3G (souhaitée par les constructeurs pour faire « tourner la machine ») dont la fabrication et la gestion de fin de vie pèsent lourd dans le bilan carbone global de des TIC.

L’étude de l’ADEME et de l’ARCEP menée en 2023 montre que sans action pour la réduire, l’empreinte carbone du numérique en France pourrait tripler en 2050 et la consommation d’énergie doubler. Pour rappel, le numérique dans son ensemble serait plus émetteur de CO2 que le secteur aérien.

Les opinions politiques

Les milieux économiques, le MEDEF et le gouvernement actuel sont très partisans de la 5G compte tenu des progrès économiques potentiels attendus : croissance et création de nouveaux marchés, productivité industrielle.

Les controverses de 2020 ont déjà été évoquées. L’impact écologique de la 5G reste un objet de désaccords. Reporterre et le Shift Project, qui sont deux organisations « écolo modérées » sont très critiques. Selon Reporterre, la 5G est « un gouffre sans futur ». Le think tank Shift appelle à un « encadrement du déploiement de la 5G et de ses usages pour éviter une explosion de l’empreinte carbone du numérique ».

En 2020, près de 70 élus de gauche et écologistes, parmi lesquels Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot ou la maire de Marseille Michèle Rubirola, ont demandé au gouvernement un moratoire sur le déploiement de la 5G dans une tribune publiée dimanche 13 septembre 2020. Cela n’a évidemment pas eu d’effet.

En dehors des nombreuses protestations contre l’installation d’antennes, le débat sur la 5G ne semble plus être au premier plan de l’actualité. Il réapparaîtra sans doute au fur et à mesure de l’installation des antennes à 26 GHz ou des applications nouvelles développées grâce à la 5G. (notamment au 3GPP).

En fait ce débat est à replacer dans l’ensemble du problème de la croissance du poids écologique et bilan carbone du numérique, avec par exemple le cycle des terminaux, les data centers… ou le « minage » pour les cryptomonnaies.

Les travaux sur la définition de la 6G sont déjà en cours. C’est le moment d’élargir le débat au-delà des acteurs directement concernés.

En résumé

  • La mise en oeuvre de la 5G est un phénomène mondial dont le lancement opérationnel a démarré, dans ses premières versions, en 2020.
  • La 5G, en tant que prolongation de la 4G, est maintenant largement déployée en France par les 4 opérateurs qui doivent investir massivement (fréquences, infrastructure de réseau).
  • La technologie de réalisation de la 5G est très innovante (virtualisation) mais la maîtrise complète des promesses de la 5G n’est que partiellement prouvée (ensemble des performances, résilience, résistance à la cybercriminalité, etc.).
  • Les principales innovations d’usage apportées par la 5G seront dans les domaines professionnels, au prix de développements applicatifs importants restant à faire.
  • L’Etat, qui considère certaines de ces innovations comme stratégiques, contribuera au financement de leur développement. Le secteur industriel, la logistique et les transports devraient être les plus concernés.
  • La souveraineté industrielle française pour la 5G n’est pas très bonne (réseaux, terminaux), mais un effort important est entrepris par l’Etat pour aider le développement des solutions d’utilisation.
  • L’extension de la 5G dans les fréquences hautes (26 GHz) n’est pas encore effective et certains problèmes techniques et sanitaires sont encore en cours de traitement.
  • Le bilan écologique de la 5G est encore très controversé et doit être replacé dans le débat plus global de l’impact du numérique.
  • La 5G pose moins de problèmes fondamentaux de société que par exemple le développement de l’IA mais la 6G est déjà à l’étude : progrès inévitable ou machine folle et incontrôlée de l’écosystème ? C’est le moment d’ouvrir un débat le plus large sans laisser le pilotage de l’évolution des télécom mobiles au seul écosystème économique et industriel.

Philippe Picard

******

[1] Une étude toute récente de l’ARCEP évalue l’impact carbone de l’extinction de ces réseaux 2G et 3G et de la migration vers la 4G ou la 5G et conclut à un bilan positif, malgré les problèmes cités ci-après (voir https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/impact-extinction-2G-3G_resume_sept2023.pdf)

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *